Pour faire suite aux astuces qui vous permettent d’agrémenter vos monstres de jeux de rôle, il vous est ici proposé d’enrichir votre expérience de jeu avec votre propre créativité. Vous voulez offrir un souffle nouveau à la notion de monstre dans votre jeu de rôle favori ? Faire comme au cinéma et en mettre plein la vue ? Faire peur à vos joueurs de D&D sans forcément fouiller vos manuels jusqu’à trouver le truc le plus bizarre et inconnu qui soit ? Créez le monstre !
Créer un monstre
L’ultime étape de cette étude est de montrer que ce qui constitue un monstre n’est pas tant un ensemble de caractéristiques comme défini dans le système de jeu, pas plus qu’un nom et une description, mais aussi une origine, une fonction et une « personnalité ». Ci-dessous vous est proposée une méthode permettant de créer vos propres monstres. Elle ne s’appuie sur aucun système de jeu, charge à vous d’en établir les attributs dans le cadre de votre système favori. Ce qui importe dans ce qui suit est d’être en mesure de répondre à certaines questions clé et de savoir quels sont les conseils évoqués ci-avant qui seront les plus utiles à votre incarnation de la monstruosité.
Le concept
La création d’un monstre pour une partie de jeu de rôle repose sur un concept et ce concept découle généralement de la fonction qu’on veut lui donner dans la partie. Est-ce une rencontre sans conséquence ? Est-ce un ennemi récurrent qui requiert plusieurs séances pour être abattu ? Est-ce une sorte de deus ex machina qui manipule son monde ? Est-ce la cible d’une chasse organisée ? Est-ce le monstre caché d’une aventure de survival horror ?
Voici une petite méthode permettant de déterminer rapidement le concept de votre monstre, sous la forme d’un tableau double entrée. L’une sera l’usage, l’autre sera la contrainte. A l’intersection des deux, on trouvera des traits. Voici comment je vois la chose :
Liste des usages :
- Distraction : le monstre n’est pas là pour représenter un obstacle majeur, c’est une source de distraction pour la quête des PJs et il n’entre pas spécialement dans le registre des rencontres prévues par le scénario. Autrement dit, c’est juste un sac à XP et un moyen d’occuper les PJs. Je ne conseille pas un tel usage pour l’usage lui-même qui n’a aucun intérêt mais, dans le cadre d’une rencontre plus complexe et/ou pour ajouter de la pression sur une suite d’événements au timing serré, l’arrivée inopinée du monstre « distrayant » peut être un plus.
- Obstacle : le monstre est un mur, une haie, un chancre collant aux basques. Il n’est pas là par hasard et son objectif est clairement de mettre à mal le groupe. Contrairement à la distraction, l’obstacle est volontairement placé sur le chemin des PJs et fait partie intégrante de la pression qui pèse sur leurs épaules. Il doit être abattu pour progresser et ce ne sera pas facile.
- Final : le monstre est tout à la fois l’objectif final du scénario et la récompense narrative des efforts fournis pour l’atteindre. Il pourra faire des apparitions au long du scénario ou de la campagne, mais il reste un but à atteindre.
Liste des contraintes :
- Sacrifiable : le monstre peut mourir. Ce ne sera pas forcément aisé, mais rien n’empêche son élimination dans le cadre du scénario. Il ne resservira pas. Tant pis.
- Récurrent : le monstre survivant ou deus ex machina, n’est pas du genre à se laisser tuer aisément. Il est prévu pour faire de multiples apparitions.
Notre tableau double entrée permet d’établir une liste de traits en fonction de l’usage et de la contrainte :
[table “37” not found /]Détaillons un peu les traits listés en 3 groupes :
Physique
Se rapporte à la capacité d’encaissement propre du monstre, laquelle se traduit en gameplay en fonction des systèmes de jeu utilisés.
- Fragile : le monstre n’est pas suffisamment résistant pour durer longtemps au combat. Il peut être tué en très peu de coups. Il peut même avoir une ou plusieurs faiblesses qui, correctement exploitées, permettent de s’en débarrasser d’un seul coup.
- Résistant : un tel monstre est assez résistant et il faudra un long moment avant de l’abattre.
- Coriace : un monstre coriace est très difficile à tuer. Il dispose de capacités particulières lui permettant de se remettre plus vite de ses blessures ou résiste à nombre de modes d’attaque différents, ou encore possède une capacité d’encaissement hors norme.
Comportement
Le comportement sera tant celui du monstre que celui du scénario qui le met en scène et qui doit proposer les portes de sortie nécessaires soit à la survie du monstre, soit à la survie des PJs en fonction de l’usage.
- Combat à mort : le monstre combat jusqu’à la mort. C’est assez rare qu’une créature vivante ne soit pas dominée par son instinct de survie lorsque la mort approche. De fait, un monstre combattant jusqu’à la mort est rarement un être « vivant » au sens où on l’entend. Un tel trait peut être porté par les morts-vivants, les créatures artificielles ou les créatures « programmées » pour se sacrifier.
- Survivant : le monstre est dominé par son instinct de survie lequel lui permettra d’échapper à la mort ou de faire croire à son décès dans des circonstances où on le laisserait pour mort. Le survivant use rarement du même procédé deux fois de suite contre le même adversaire.
- Fin auto-programmée : le MJ doit prévoir que le monstre est potentiellement impossible à vaincre par des moyens normaux. La fin de l’affrontement doit alors, pour ne pas menacer définitivement d’extinction le groupe sous-équipé qui l’affronte, être programmée dans la rencontre, par un évènement extérieur qui forcera le monstre à se retirer ou à mourir au bout d’un certain temps.
- Capacité de fuite : le monstre est suffisamment intelligent pour admettre la supériorité d’un adversaire et décider d’une retraite au meilleur moment, soit pour préserver sa vie, soit dans le cadre d’une tactique de repli stratégique. Il peut par ailleurs se servir de cette technique pour attirer ses adversaires sur un terrain plus avantageux ou dans une embuscade.
- Plan d’évacuation : le monstre dispose d’une capacité de fuite organisée et prévue à l’avance. Il a suffisamment anticipé ses rencontres et mesuré les risques qu’il y prend pour savoir comment échapper à un danger. Le plan d’évacuation sera aussi celui de ses adversaires s’il s’avère que le monstre est un adversaire bien trop redoutable pour eux, un peu à la manière de la fin auto-programmée. La rencontre classique de ce genre est le piège tendu par le monstre qui laisse ses ennemis aux prises avec les embûches qu’il a prévues pour évacuer tranquillement les lieux.
Dangerosité
Tout MJ devrait consacrer un certain temps à réfléchir à l’impact de ce trait sur les rencontres et sur la survie d’un groupe de PJs. Il est en effet inconcevable qu’une créature très intelligente puisse commettre des erreurs aussi grossières que de se laisser surprendre ou d’exposer ses points faibles. Incarner ainsi des monstres aussi puissants que rusés implique de savoir ce qu’on fait et surtout de donner à ses joueurs les moyens d’anticiper ou de préparer une telle rencontre afin qu’ils aient une chance d’y survivre.
- Peu menaçant : un tel monstre ne dispose pas des capacités de mettre véritablement en danger un personnage prudent.
- Rusé : une telle créature est dangereuse par sa capacité à user au mieux de ses talents, à tendre des pièges et à profiter du moindre avantage tactique. Elle doit être capable de surprendre ceux qui ne la connaissent pas.
- Intelligent : Le monstre intelligent est par essence redoutable et ceci pour deux raisons : la première parce qu’il ne s’expose pas inutilement et anticipe ses rencontres, les préparant parfois de telle sorte à prendre ses ennemis par surprise ou dans un piège ; la seconde parce qu’il utilise au mieux ses facultés, économise ses ressources et ne tente une action que lorsqu’il est raisonnablement sûr d’un succès.
- Supérieurement intelligent : plus redoutable que tout, le monstre supérieurement intelligent a non seulement la bonne idée de ne pas s’exposer inutilement, mais aussi celle de déléguer les affrontements à d’autres créatures qui lui sont inféodées. Rarement en première ligne, ou largement assisté par ses séides ou les embûches qu’il a conçus, le monstre supérieurement intelligent anticipe grandement ses combats, ne manquant généralement ni de ressources ni de solutions pour vaincre ou soumettre l’adversité et ce même s’il doit s’impliquer directement dans un combat.
On constatera assez rapidement que la création d’un monstre de toute pièce n’est pas dissociable de ses éléments de mise en scène dans cette approche.
Ces quelques éléments permettent de bâtir rapidement un concept de monstre. Le trait physique retenu sera un guide pour déterminer ses caractéristique en terme de jeu. Le trait comportemental indiquera de quelle façon le monstre s’intégrera dans l’histoire et quelle attitude il adoptera en cas de rencontre. Le trait de dangerosité sera à la fois un indice sur ses compétences et moyens d’action, ainsi que sur sa capacité à être en lui-même un élément du scénario, générant de lui-même des difficultés et des embûches pour le groupe de personnage.
L’apparence
L’apparence d’un monstre sera déterminante dans l’effet que vous voulez laisser dans votre partie ou votre campagne. S’il s’agit d’un monstre récurrent tachez de la soigner. Il apparaîtra plusieurs fois et, s’il est ridicule dès la première, il y a fort à parier que ce ne soit pas l’effet voulu. L’apparence du monstre a beaucoup à voir avec ses capacités d’action, tels que son moyen de locomotion (des ailes s’il vole, des pattes puissantes s’il court vite, quadrupède s’il court très vite, des nageoires, palmes ou branchies s’il est amphibie, etc.), son potentiel de combat (des griffes s’il peut déchirer sa proie, une gueule garnie de crocs pour déchiqueter et se nourrir, des tentacules pour agripper et immobiliser, des membres constricteurs pour écraser ses victimes, etc.), son degré de perception (des yeux globuleux pour voir à 180°, des ouïes à large pavillon orientable pour mieux capter les sons, des narines ou des naseaux indiquant sa capacité à percevoir les odeurs, etc.) et sa capacité de reproduction (sexué, hermaphrodite, ovipare ou vivipare, etc.).
Les exemples donnés ici font surtout référence à des formes et des organes présents dans le monde animal terrestre. C’est une bonne base de départ pour concevoir quelque chose qui tienne la route. Il est toutefois parfaitement envisageable d’opter pour le curieux ou le fantastique en fonction du contexte de votre scénario. La biologie terrestre est encore là pour vous aider, notamment les organes sensitifs du monde des arachnides et des insectes, si particuliers, ou encore les exosquelettes d’iceux ou les carapaces des crustacés. Ou alors, l’on peut totalement s’affranchir des perceptions et sens traditionnels, voir des locomotions habituelles en optant pour le fantastique. Des créatures qui défient les dimensions et l’espace-temps pour être à plusieurs endroits en même temps, d’autres qui perçoivent les volumes dans l’espace de façon omnidirectionnelle, ou encore celles dotées naturellement de filaments monomoléculaires capables de découper n’importe quoi. Tout est permis du moment que l’on sache en justifier dans la forme de la créature, que cela corresponde peu ou prou à une portion de ses organes et que ceux-ci soient donc affectés par les blessures ou les altérations.
On pourrait certes décréter que toutes les capacités de la créature sont immatérielles (comme de la magie ou des pouvoirs mentaux), mais même dans ce cas, ce pouvoir se situerait a minima dans ce qui est le siège de son intelligence : le cerveau. Au-delà de l’apparence, il sera donc opportun de penser à l’anatomie du monstre, tant pour connaître ses organes vitaux s’ils existent (les morts-vivants les plus basiques n’en ont pas) que pour déterminer comment la « nature » a été inspirée pour protéger le monstre des rigueurs et des dangers de son environnement. A ce titre, un détail à ne pas négliger : la couleur. Caractéristique du milieu dans lequel évolue habituellement la créature, la couleur est tantôt un moyen de camouflage, tantôt un moyen d’attirer ses proies.
La fantasy et la science-fiction nous offre une palette non négligeable d’apparences sortant de l’ordinaire et totalement dénuées de forme physique à proprement parler. Qu’il s’agisse de créatures élémentaires ou formées d’énergie pure, de forme de vie amorphe rampante ou d’êtres artificiels comme les golems, il est toujours possible d’inventer un monstre inédit et, par extension, difficile à cerner, à emprisonner ou à vaincre.
Rappelez-vous que l’apparence du monstre est la clé de l’impression que vous voulez laisser à vos joueurs. De fait, si vous voulez les effrayer, ne lésinez pas sur les détails inquiétants et souvenez-vous que, dans ce registre, on a plus peur de ce qu’on ne connaît pas de ce qu’on connaît. Par exemple, un monstre qui a des yeux laisse imaginer qu’il « voit ». On peut donc l’aveugler pour le ralentir ou le neutraliser. De fait, même si elle est effrayante, une telle créature n’est pas si impressionnante. Mais quid d’une bestiole dénuée d’œil, ni même de visage ou de tête ? Comment nous perçoit-elle ? Comment fait-elle pour nous trouver ? Si elle se meut sans difficulté, n’est-ce pas plus inquiétant qu’elle n’ait aucun organe sensoriel reconnaissable ?
Les capacités
Selon le système de jeu que vous avez sous la main, les capacités d’un monstre vous seront largement inspirées par les créatures qui vous sont proposées dans le jeu lui-même. Il est possible de faire preuve d’originalité de deux manières, soit en créant de nouvelles capacités, ce qui suppose de pouvoir les interpréter dans le système de jeu, soit en déviant celles existantes de leur usage habituel. Remémorez-vous le contexte dans lequel votre monstre est susceptible d’intervenir et les moyens que votre groupe de PJs pourront lui opposer. C’est important pour ne pas surclasser le monstre par rapport à ses adversaires. Il convient de se dire qu’un monstre à la fois puissant et intelligent est théoriquement invincible. A moins de vouloir assassiner le groupe de PJs il vaudrait mieux qu’il ne cumule pas ces deux qualités ou bien, si c’est le cas, que les circonstances de la rencontre permettent d’y mettre fin (fuite possible, environnement instable, etc.).
Les capacités du monstre vont déterminer sa puissance et ses modes d’attaques et de défenses. Il faut les établir en corrélation avec le concept et l’apparence du monstre. Si vous élaborez un grand n’importe quoi chtulhesque, garni de tentacules, de bouches et d’yeux innombrables, de pustules purulentes suintant la malepeste ou explosant du gaz nocif chargé d’acide, dites-vous que chacun de ces éléments est une arme potentielle et/ou un moyen de neutraliser ou de contrôler un ennemi. Attention cependant. Plus vous accordez de moyens d’action à une créature, plus elle est dangereuse mais aussi difficile à jouer. Il faut comprendre qu’une bête née avec tel ou tel appendice sait nécessairement s’en servir. Un tentacule ne sert à rien si la chose n’essaie pas d’attraper des proies avec ou de se déplacer. Une gueule ne sert à rien si elle ne tente pas de mordre. Un champ de perception à 360° n’est d’aucune utilité si la bête laisse son dos exposé aux attaques.
Dans tous les cas, tâchez de faire en sorte que les capacités de votre créature couvrent toutes ses fonctions, à savoir :
Locomotion
La locomotion est une fonction essentielle d’une créature dont l’existence dépend de nutriments qui ne sont pas à sa portée. Le mode de locomotion de votre monstre est déterminé soit par sa morphologie (bipède, quadrupède, amphibie, volatile, etc.), soit par des particularités physiologiques (poche de gaz permettant de gonfler comme un ballon, membres préhensiles permettant de se haler ou se hisser, etc.) ou soit par des capacités surnaturelles, magiques ou mentales (absence de corporalité, télékinésie, téléportation, etc.).
Sustentation
La sustentation est nécessaire à toute créature devant renouveler d’une manière ou d’une autre son énergie. La sustentation dépend de beaucoup de facteurs, le premier étant de savoir quelle énergie lui est nécessaire pour subsister, le second de quelle façon elle peut l’obtenir. Les végétaux chlorophylliens ont besoin de lumière et d’air. Les animaux ont besoin de végétaux ou d’autres animaux. Les monstres surnaturels ou magiques peuvent dépendre d’autres apports. Les vampires ont besoin de sang, les fantômes, d’émotion ou d’essence spirituelle, les démons, d’âmes, les zombies, de cerveaux ou de chairs, etc… Le mode d’absorption de l’apport et la manière dont cet apport est utilisé, voire transformé, par la créature est en rapport avec son mode d’absorption. De rares monstres n’ont pas forcément de besoins sustentateurs comme les créatures artificielles simplement alimentées par magie ou par batterie et ne disposant pas forcément de l’intelligence ou de la programmation, ni même des moyens suffisants pour se recharger par elles-mêmes.
Perception
La capacité à percevoir son environnement ou, pour le moins, ses moyens de subsistance est le minimum vital d’une créature animée. On pense souvent, à l’instar du règne animal, qu’une créature doit avoir des yeux, des oreilles et un nez a minima, ou quelque chose d’approchant pour voir, capter les sons et les odeurs. C’est assez réducteur. Même chez les animaux, certains ne décèlent les choses que sur la base du toucher et de la perception des vibrations. D’autres n’auront pas besoin d’yeux pour avoir une compréhension de l’espace, des volumes et des mouvements, tel le radar des dauphins ou de la chauve-souris. L’odorat seul suffira au requin pour détecter une goutte de sang perdue dans des millions de litres d’eau de mer, et au chien, celle d’un acide dangereux au milieu d’un bac d’eau. L’aigle se passera de l’ouïe et de l’odorat, n’ayant besoin que de ses yeux pour repérer un minuscule lapin à plusieurs kilomètres de distance. La nature terrestre fourmille d’exemples frappants de sens si accrus et si bien employés qu’il n’est nulle nécessité d’en inventer d’autre. Le surnaturel nous octroie pourtant de nouvelles possibilités, comme celles de percevoir l’invisible, les flux d’énergie et de magie, d’autres dimensions, de voir à travers les murs, etc… Dotez votre monstre de ce dont il a besoin pour accomplir l’essentiel, à savoir pour se mouvoir et de sustenter.
Défense
Toute créature disposant d’un instinct de survie se doit de disposer de mécanismes de défense. Pour de nombreuses bêtes craintives, la fuite, donc le moyen de locomotion, est le premier de tous. Pour celles ne se déplaçant pas assez vite et même pour les prédateurs face à une proie récalcitrante, d’autres moyens de défense sont parfois nécessaires. Dans le même esprit que la fuite, le camouflage par changement de couleur, feindre la mort ou l’enfouissage peut également faire recette. Pour ceux ne craignant pas le contact physique, il y a ceux qui développent une carapace, de la chitine ou des plaques osseuses disposant en cela d’une défense passive, et d’autres qui cultivent simplement des réflexes et une anatomie spécifique pour éviter ou se protéger des chocs ou des chutes. Moins traditionnelles sont les capacités de cracher ou d’expulser un venin, du gaz ou un quelconque fluide corrosif, visqueux ou adhésif qui permet tout autant d’attaquer que de faire barrage à titre préventif. Enfin, les monstres peuvent disposer de moyens de défenses surnaturels comme le déphasage, les champs de force, la téléportation courte distance, les chocs électriques, la dissipation naturelle d’énergie ou de magie, etc.. On devrait garder à l’esprit qu’un moyen de défense n’est pas forcément qu’un moyen de se défendre et que la créature qui possède l’une de ses facultés sait nécessairement s’en servir à d’autres fins.
Attaque
Même les créatures les moins agressives disposent en général d’un ultime recours au cas où elles ne peuvent fuir ou se cacher, ni se protéger de quelque façon que ce soit. Quant aux autres, elles possèdent parfois plusieurs solutions pour blesser ou tuer volontairement un adversaire, dont de nombreuses en rapport direct avec ses modes de locomotion ou de sustentation (et parfois de perception). Les capacités d’attaque physique résultent principalement de la forme. La constriction et l’étouffement par les corps musculeux aux squelettes souples (serpents) ou sans squelettes du tout (tentacules), la morsure, le déchiquetage et la brisure avec la mâchoire (crocodile, les grands félins, loup, etc.), la griffure, la lacération avec les griffes rétractiles ou non (les grands félins, les ours), l’écrasement avec la masse (éléphant, hippopotame, etc.), l’empalement avec les cornes (cerf, rhinocéros, taureau, etc.), le martellement, le piétinement avec les poings ou les sabots (grand singes, équidés, etc.), et j’en passe. Si le monde animal fourmille d’exemples, ils sont facilement transposables dans le fantastique avec des créatures mélangeant des attributs de la faune (corne et sabots de licorne, griffe de dragon, gueule de chimère, etc.). Et puis, il y a les moyens d’attaque surnaturels, énergétiques, magiques ou mentaux : les regards pétrifiants, les souffle de feu, de foudre, etc., les décharges d’énergie, les rayons cohérents, les émanations de froid, de chaud, le toucher pétrifiant, paralysant ou corrosif, les membres télescopiques, les assauts mentaux, le contrôle télépathique ou télékinésique, etc… On notera qu’il est difficile d’être exhaustif en la matière, aussi bien parce qu’un moyen d’attaque a parfois plusieurs usages que parce que l’imagination permet de trouver des façons très originales de surprendre un ennemi.
Outillage
Voilà sans doute le moins fréquent des traits accordés à un monstre : la capacité à concevoir et à se servir d’outils. Limitée dans sa forme, son mode de locomotion, son mode de sustentation, ses perceptions et ses moyens de défense et d’attaque, la créature sait-elle, par le biais d’un apport extérieur, pallier à son incapacité à réaliser une chose ? Que l’outil soit un objet inerte ou une autre créature réduite en esclavage, déterminer si votre monstre a l’intelligence suffisante pour imaginer un procédé au-delà de ses capacités naturelles est une question à laquelle il faut savoir répondre. Ainsi, peut-elle améliorer son camouflage en se recouvrant des poussières et particules trouvées dans le coin ? Saura-t-elle ouvrir une porte ? Provoquera-t-elle une chute d’objet contondant pour écraser ou altérer une paroi, une carapace ou une coquille ?
Le comportement
Pour ne pas faire une redite par rapport à la section « Agrémenter le monstre », il convient de retenir que pour que le monstre corresponde à son concept, il peut et/ou doit adopter nombre de caractéristiques et de traits déjà suggérés. Avant tout, un monstre doit adopter un comportement en rapport avec ses besoins, qu’il comble en priorité, puis avec ses désirs, qu’il cherchera à combler si cela lui est possible. Les monstres intelligents sauront mettre de côté leurs besoins et leurs désirs en fonction des circonstances. Les félins prédateurs ont ainsi cette capacité à faire preuve de retenue, d’économie et de patience pour guetter les opportunités, n’engageant leurs ressources que lorsqu’ils sont quasiment sûrs de la réussite.
Les monstres au comportement sauvage n’accomplissent d’action qu’en regard de leurs capacités et leur forme. Aucune chance de voir un poulpe danser le Sirtaki ou une araignée aller prendre un bain. A moins d’être victime de ses désirs qui le poussent à rechercher une forme de plaisir indépendamment de son besoin, un monstre ne fait jamais rien d’inutile, jamais rien de gratuit. A la recherche d’un équilibre constant entre nécessité et activité, le monstre ne bouge que parce qu’il l’a décidé et recherche le résultat le plus direct et immédiat à son besoin. Il n’a aucune compassion et se défend généralement de tout ce qui ne lui ressemble pas.
Les monstres intelligent sont plus subtils et sont parfois capables de bluffer. Comprenant que n’importe quelle autre créature agit en fonction de stimuli particuliers, il est capable de susciter les réactions qui servent son intérêt. L’anticipation est le trait caractéristique de ces créatures qui, dotées d’une solide expérience ou/et capable de transmettre ces informations à leur progéniture, donnent naissance à des adversaires bien plus dangereux et imprévisibles toutefois incapables de dépasser des limites de ses capacités. Le monstre intelligent est capable d’apprécier et de reconnaître l’aide extérieure qu’on lui porte. Il n’a pas forcément de notion de reconnaissance, mais une aptitude à ressentir l’empathie à son endroit et à considérer cet aspect comme positif pour lui.
Les monstres très intelligents, à l’intellect comparable ou supérieur à l’humain, disposent non seulement de cette faculté d’anticipation, mais aussi de la faculté à évaluer les comportements de son entourage, exactement tel que nous le faisons présentement. Il emploiera au mieux ses talents y compris de façon ingénieuse et originale, trahissant jusqu’à sa nature pour tromper son monde sur la réalité de ses intentions. Il apprend, et éventuellement transmet ce qu’il sait d’une façon ou d’une autre à sa descendance et/ou à ses alliés, construisant ainsi les bases de relations durables à travers les générations. C’est aussi la base de l’évolution et du développement social.
A part dans des jeux comme D&D où le concept de bien et de mal revêt une importance plus grande qu’un simple constat de moralité, le bien et le mal n’existent qu’en tant que point de vue. Considérer d’emblée le monstre comme maléfique est donc une erreur. Le monstre comme animal ne fait qu’obéir à la nécessité et à ses instincts. Il n’est pas répréhensible dans ses intentions, contrairement à monstre très intelligent pour qui le concept de bien et de mal peut éventuellement pouvoir dire quelque chose. Mais là encore, il faut garder à l’esprit que les humains sont des monstres pour les monstres et que tout est relatif. Un humain qui tue un petit d’un monstre commet assez souvent un crime impardonnable envers la gent monstrueuse. Qui est vraiment mauvais dans l’histoire ? L’humain ou le monstre qui se venge ?
Un nom
Pour clore ce chapitre, vous pouvez donner un nom à votre monstre. Cela vous évitera, comme dans cet article de répéter sans arrêt le mot « monstre » ou « créature » et de ne plus pouvoir les distinguer entre eux. Les monstres se nomment rarement d’eux-mêmes à moins d’appartenir à une race intelligence douée de langage et capable de nommer son espèce. Pour une culture, le nom d’un monstre est celui que des érudits ou des explorateurs ont donné à la créature en la rencontrant pour la première fois, ceci afin de la désigner et de savoir de quel être il s’agit. Ces baptiseurs sont le plus souvent inspirés par le contexte de leur rencontre avec le monstre, le comportement qu’il a eu et les sentiments qu’il leur a fait éprouver.
Demandez-vous ce qu’ont pu imaginer ces personnes pour désigner leur trouvaille, ne serait-ce que pour vous même avoir un nom à mettre dessus. En revanche, évitez d’utiliser ce nom pour parler de votre monstre à vos joueurs. Un sage a dit que donner un nom à une chose permet de contrôler cette chose. Les joueurs feront tôt ou tard le travail de tout découvreur. Pour minimiser la peur du monstre, ils lui donneront un nom. Celui que vous lui donnerez n’est donc pas nécessairement celui qu’ils emploieront.
Conclusion
La création d’un monstre peut être un travail de longue haleine. Selon l’usage que vous en ferez, c’est même sûrement un travail essentiel. Ce qui précède n’est jamais qu’un récapitulatif de ce à quoi vous devriez penser et des conseils sur ce que vous pouvez faire, mais pour rendre les choses « fun », il faudra garder à l’esprit que créer un monstre n’a pas pour but de tuer des PJs, ça, c’est le but du monstre, pas le vôtre. D’une adversité cohérente, redoutable, effrayante et dangereuse à un obstacle sans saveur ou un mur infranchissable, il n’y a parfois qu’un pas. Si vous y réfléchissez suffisamment à l’avance, vous ne deviendrez ni le clown ni le monstre de la rencontre. Plus vous donnerez de profondeur à votre chose, plus elle vous le rendra.
Illustration : D&D Basic Set, illustration de la couverture de la boîte par Larry Elmore