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(COPIE) Les monstres dans le jeu de rôle, partie 1

Temps de lecture : 13 minutes

La première partie d’un traité sur l’usage des monstres pendant une partie.

Greate Red Dragon par Keith Parkinson

Le terme « monstre » définit une créature, généralement vivante, que l’apparence ou le caractère écarte de la norme communément admise et supportée par une population d’individus. Autrement dit, on apparente le monstre au phénomène vivant qui échappe au sens commun. S’il n’est pas rare d’associer ce mot à un être humain pour le qualifier d’être hors norme, comme c’est le cas des êtres difformes ou des psychopathes, en jeu de rôle, ce nom désigne plus volontiers une créature qui ne répond ni au signalement ni au comportement d’un animal ou de n’importe quel individu issu d’une race interprétable par un joueur, exception faite du meneur de jeu pour lequel l’interprétation d’un monstre fait partie de son rôle. Ce qui suit a pour vertu première d’aider ce dernier à comprendre les monstres pour mieux les interpréter. Dans un second temps, le savoir acquis sera le socle d’un autre exercice : créer un monstre.

Différentes approches

En jeu de rôle, la définition du monstre est très variable. Il est même amusant de voir que les deux premiers gros jeux du marché en avaient un usage incompatible. Du côté de Donjons & Dragons, les monstres étaient des créatures animales, végétales et/ou fantastiques s’opposant aux PJs. Ils n’étaient ni des PJs, ni des PNJs. Encore aujourd’hui, les manuels des éditions récentes de donjons et dragons évoquent et véhiculent le terme de monstres. On y trouvait pourtant, à l’époque, les races jouables du jeu sous des aspects qui les qualifiaient de différents, alors que le PJ était, sans aucun doute, l’exception. D&D pose d’emblée le « monstre » comme une norme, celle de la créature plus ou moins dangereuse, foisonnant dans l’univers fantastique pour créer un contenu aussi irréaliste qu’exotique à destination de joueurs dont le but avoué est d’en découdre avec ces choses afin d’en tirer de l’expérience et de leur dérober leurs trésors, le tout en plaçant, au sommet de la chaîne monstrueuse, l’ultime créature appelée « dragon ».

Le concurrent de Donjons & Dragons, l’Appel de Chtulhu avait une approche différente du « monstre ». Issus de la littérature de Lovecraft et de son mythe imaginaire, les monstres sont ceux dont on doit avoir peur et non pas ceux que l’on rêve d’affronter. Les créatures du mythe (qui, curieusement, ne portent pas ici le nom de « monstres ») mises à disposition du Gardien des Arcanes (le meneur de jeu de l’AdC) ne constituent pas ici un catalogue « d’adversaires », mais de choses innommables et déstabilisantes dont le but est plus sûrement de tuer les aventuriers égarés que de servir de cible.

Inutile de dire que la transition de D&D à l’AdC ne se fait pas sans mal selon le sens dans lequel on aborde ces jeux. Pourtant, en eux résident les deux principaux usages du Monstre en JdR : le monstre chassé et le monstre chasseur.

A cela, l’on oppose souvent le concept du monstre de cinéma. Celui-ci fait autorité dans le 7ième art en faisant en sorte d’être craint. C’est la chose qu’on doit haïr par peur et que l’on oppose aux héros, représentant une menace mortelle pour eux tout autant que leur ultime challenge. Il a pris bien des formes au cinéma, de Alien à Terminator en passant par Grendel, le Prédator, la Mutante, le Kraken ou Hittler. Le monstre de cinéma est aussi devenu le héros de l’histoire, celui que l’on veut voir gagner face aux méchants humains qui veulent le capturer ou le tuer. Le traitement du monstre au cinéma sert de nombreux propos, bien plus qu’il n’en propose en théorie en jeu de rôle. Pourtant il devrait inspirer bien plus que cela.

Le bisoumonstre : le monstre chassé

Pour reprendre la vision caricaturale et pourtant à peine exagérée de la célèbre bande dessinée Kroc le Bô, il est des jeux où ce sont les monstres qui doivent avoir peur. Dans Donjons & Dragons et de nombreux autres inspirés (quel que soit le contexte décrit par l’univers de jeu), le monstre porte une cible et, quelle que soit sa puissance, la cible est indélébile. Cela induit un comportement et sert un propos parfois bien trop difficile à contrecarrer. Dans un jeu comme D&D il est difficile de se servir du monstre d’une autre façon que là où les habitudes de jeu l’ont placé. Car le monstre est aussi commun qu’il est fragile. Un monstre choisi trop puissant peut gagner un affrontement contre des PJs, mais dans ce cas, il est souvent vu non pas comme un monstre puissant mais comme une erreur de casting. L’on a tendance à dénier toute chance de gagner au bisoumonstre. Ce n’est qu’un faire-valoir du PJ, une source d’expérience et de trésor, un fruit à cueillir avec plus ou moins d’effort, bref, de la chair à PJs. De ce fait, même s’il est autrement plus coriace que les centaines d’autres déjà abattus par l’équipe de PJs, le monstre n’est pas fait pour leur faire peur. Et du reste, pourquoi voudriez-vous qu’ils aient peur ? Ce n’est qu’un monstre.

Bon, un dragon, des Pix, de l'or et des OM... mais surtout, on s'attaque qu'aux plus petits hein ? - Dragon Chase de Larry Elmore
Bon, un dragon, des XP, de l’or et des OM… mais surtout, on s’attaque qu’aux plus petits hein ? – Dragon Chase de Larry Elmore

Le monstrus ex machina : le monstre chasseur

La créature du mythe de Chtulhu est un tueur. Si, par erreur, les PJs détruisent le monstre sans coup férir, l’erreur de casting est dans l’autre sens : les joueurs ne sont pas les bons. Le monstre chasseur est le monstre qui fait peur, celui dont on a peur. C’est le monstre qui surgit là où on l’attend le moins et qui élimine sa proie avant d’avoir laissé la moindre chance de réagir. Car on ne combat pas le monstrus ex machina avec des armes et du courage, mais avec de la ruse et de la prudence, voire en prenant ses jambes à son cou. D’ailleurs, survivre au monstre même sans l’avoir tué est une victoire en soi, et s’en tirer indemne, un miracle. Cet extrême est pourtant contestable, car les joueurs, pour avoir peur, doivent admettre que la chose qui les poursuit ou les piège leur est supérieure en tout point ; que la défaite est la norme et la survie l’exception. C’est un propos narratif dont le choix doit être connu et accepté par les protagonistes dans ce qu’on appelle, typiquement, le survival-horror. Bref, c’est un genre en soi et le plus éloigné sans doute de ce que nous offre le bisoumonstre.

Flirter entre les extrêmes

Tous les goûts sont dans la nature. Tous les plaisirs de jeux sont dans les genres. Un propos narratif entraîne une vision et une manière de faire. Ce n’est pas parce que D&D nous donne quantité de monstres sur un plateau qu’il faut s’en servir comme d’un catalogue de ressources à XP. A l’inverse, ce n’est pas parce qu’un Chtonien peut éliminer sans mal un groupe d’investigateurs qu’il doit forcément y parvenir. Un jeu n’implique pas absolument un propos même si univers comme système de jeu réduisent le champ des possibles. Vouloir sortir des sentiers battus est un choix défendable pour peu que le groupe de joueurs soit d’accord pour tenter l’expérience.

Qu’est-ce qu’un monstre ?

Avant d’aller plus loin, élaborons une définition pratique de notre sujet d’étude. L’on exclura d’emblée toute interprétation figurée du monstre appliquée à l’humain. En effet, les « monstres » humains ne sont pas exotiques et, somme toute, entrent tous dans des case définies par la psychologie et la psychiatrie. Leur comportement désaxé n’est qu’une des facettes de ce que l’humanité peut elle-même produire et la définition de « monstre » qu’on leur attribue est celle de l’ignorance. De la même façon nous exclurons de notre définition tout être intelligent catégorisé de commun et civilisé pouvant entretenir des relations avec les humains, parfois jouées par des joueurs comme une variation sur le thème de l’humain (race extra-terrestre dans Star Wars, races jouables non-humaines de D&D, races non jouables mais dont les sociétés sont primitives ou évoluées de D&D, etc.).

En revanche, nous n’exclurons pas les créatures qui peuvent avoir ou prendre apparence humaine (ou autre race proche) mais qui, par essence, ne sont pas humaines (doppleganger, démons, vampire, etc.). Elles sont par nature différentes et peuvent tout à fait entrer dans le registre des monstres.

Nous garderons donc de l’idée de monstres l’ensemble des créatures inconnues ou connues des érudits dont le comportement, la morphologie ou les capacités semblent totalement incongrus, surnaturels et/ou étrangers par rapport à des normes admises de civilisation, de comportement, de faune et de flore. Un monstre n’est pas obligatoirement un danger pour les êtres qu’il rencontre, ou peut l’être par nature mais indépendamment de sa volonté (Cube gélatineux, Monstre-rouilleur, Elémentaire de feu, etc.), mais nous dirons que, la plupart du temps, un monstre donne l’impression d’une menace suffisante pour instiller la peur et provoquer une réaction de méfiance, de défense et même parfois de défiance à son encontre.

Agrémenter le monstre

Ceci étant posé, éviter la dramatique conclusion « ce n’est qu’un monstre » ou « quelle horreur, fuyons » requiert de considérer les choses autrement et, le plus souvent, de pimenter un peu la rencontre. L’une des erreurs communément commises à l’encontre des monstres est de les prendre pour ce qu’on croit qu’ils sont : à savoir des créatures imbéciles assoiffées de sang et de meurtres envers le genre humain, sans état d’âme et incapables de faire autre chose. C’est un lieu commun implanté par la vision cinématographique et littéraire du monstre. Une vision qui oublie qu’en tant que créature de fiction, le monstre de Frankenstein ou Dracula sont perturbés par des sentiments humains.

Le caractère inhumain du monstre est un trait récurrent qui le définit souvent. Dans le fond, cette notion n’est pas essentielle. Réduire un monstre à ses seules caractéristiques, sa forme, ses moyens d’actions, ses habitudes alimentaires, c’est lui voler une part de sa profondeur. Lui refuser un trait aussi humain que surprenant c’est le réduire à la dimension d’un objet. Car il suffit de peu de choses pour rendre un monstre « différent ».

Sans être exhaustive, la liste des astuces qui suit propose de radicalement changer la perception d’un monstre et de créer une interactivité nouvelle avec lui. Que cela soit ou non exploité par les joueurs, jouer de certaines des notions ci-dessous fera disparaître le côté uniforme du monstre pour lui donner un caractère propre sans pour autant avoir à y passer beaucoup de temps.

Bon appétit

L’appétit est assez souvent la motivation la plus basique qui soit. Mais il n’est pas dit que parce qu’on est un Sarlacc on avale forcément tout ce qui passe à portée de bouche et de tentacules sans tenir compte de ce que c’est. D’autant que la plus grande gêne occasionnée à un monstre vorace est le côté récalcitrant de la nourriture. Même si certaines créatures se contentent d’attraper et de dévorer sur place ce qu’ils ont pris, beaucoup d’autres distinguent clairement l’action de chasser de celle de manger, se proposant parfois d’accomplir la seconde bien après la première et surtout dans un lieu plus tranquille et serein qu’un champ de bataille.

Ceci vaut pour expliquer qu’une créature visiblement faite pour dévorer un PJ ne cherche pas forcément à en finir de suite. L’autre possibilité étant une simple préférence gustative. Car il n’est pas dit qu’un met n’est pas préférable à un autre aux yeux (ou plutôt aux papilles gustatives) de la bête. La chose préfère-t-elle la chair tendre d’un enfant à celle un peu rude d’un adulte ? Goûtera-t-elle mieux à la carcasse bien en chair d’un nain plutôt qu’à celle maigrichonne d’un elfe ? Ne mangera-t-elle que les juteux tissus musculaires ou les viscères empuantis de fluides moins sanglants ?

L’on peut voir ici un trait particulier d’un monstre dont les préférences culinaires entrent en jeu dans ses décisions de chasse et donc sa tactique d’attaque. Alors qu’on pense généralement qu’un monstre n’a aucune de ces préférences et s’attaque systématiquement à l’ennemi le plus menaçant, la surprise pourrait être de taille de le voir foncer sur ce petit halfelin terrorisé très appétissant plutôt que de s’occuper des guerriers et des mages qui harcèlent ses flancs.

Une hésitation

L’hésitation dans l’action trahit la réflexion. C’est le signe d’un instinct insaisissable ou d’une intelligence plus ou moins développée qui lui permet d’évaluer la situation et de prendre une décision parfois inattendue. La raison d’une hésitation peut être multiple. Si vous avez absolument besoin de savoir pourquoi, vous pourrez toujours trouver une explication facile dans l’instinct de survie. Comme tout animal, le monstre sait déceler les dangers pour sa santé. Il saura repérer les substances qui lui sont nocives. Un monstre intelligent peut aussi hésiter pour une toute autre raison, une vision à long terme, comme c’est le cas d’Alien qui décèle la présence de l’embryon de reine chez Ripley dans Alien 3.

La peur

La peur est l’émotion primitive partagée par la plupart des espèces vivantes. Les réactions face à la peur se divisent généralement en 3 catégories : la fuite, l’immobilisme, l’agression (sans compter les bestioles disposant de mécanisme de défense propre). La question de savoir si un monstre a peur ou non peut-être débattue, mais il convient plutôt de savoir quel serait le comportement de la créature confrontée à la peur. Si elle peut être source d’une hésitation, la peur peut aussi susciter la fuite. Quoi de plus étrange qu’une bête immonde, mortelle et monstrueuse qui tourne les talons alors que rien ne l’y invite en apparence ? A l’inverse, si la peur génère une sur-agressivité du spécimen, elle sera peut-être seule responsable de l’attaque.

Le langage

Certaines créatures sont tout à fait en mesure de parler. Ont-elles pour autant un langage intelligible ? Ce n’est pas nécessaire pour instiller le doute sur leur capacité à communiquer ou, à tout le moins, à tromper son monde sur ce point. Imiter le langage est une capacité qui peut avoir son utilité. En observant les réactions d’autres créatures aux sons qu’ils émettent, les monstres les plus rusés se servent de ces réflexes pour amener leurs victimes dans leurs pièges (faux appel au secours, interpellation, râle plaintif, etc.). Qui ne serait pas tenté de négocier et raisonner avec une chose qui semble vouloir le tuer alors même qu’il ne semble y avoir aucune autre option ? Ne serait-ce pas surprenant, alors, qu’elles se soient servies d’une forme abâtardie de langage pour obtenir l’attention de leur cible ?

Une déformation naturelle ou non

Il y a des vétérans même chez les monstres. S’il peut être difforme par nature, il peut aussi l’être devenu après avoir déjà affronté diverses adversités. La cicatrice et l’amputation n’est pas une caractéristique propre aux aventuriers combattant les monstres, mais aussi aux monstres combattant les aventuriers. Car s’ils sont encore en vie malgré leur monstrueuse et haïssable nature n’est-ce pas parce qu’ils ont déjà été confrontés à la mort ? Un monstre qui n’a plus qu’un œil n’est-il pas plus singulier que celui qui en a deux intacts ? Que dire de celui qui en aurait trois ? Un embryon ou un membre entier en plus ou en moins ? Des trous dans la dentition ? Plus que lui donner du cachet, c’est le genre d’éléments qui donne une histoire à votre monstre.

Le faux semblant

La plus grande surprise que vous puissiez faire à des joueurs habitués à rencontrer tel ou tel monstre sous tel ou tel aspect, c’est d’en changer l’apparence de façon à ce qu’il soit méconnaissable ou confondu avec un autre. Habillez un zombie de bandelettes et il paraîtra être une momie. Vêtez d’une armure basique et collez une arme rouillée dans les mains d’une liche et elle sera un squelette. A D&D cela sera du plus bel effet.

Une haine particulière

Dans le même esprit que la créature couturée de cicatrices, son vécu d’avant (et souvent les êtres qui lui ont laissé des cicatrices) revêt dans l’esprit du monstre une importance notable. Car ce qui peut lui faire mal est souvent considéré comme dangereux. Le monstre qui a connu la morsure de l’acier sera plus volontiers méfiant envers un guerrier armé d’une épée qu’un vagabond brandissant un gourdin. Le monstre, de par son histoire et ses habitudes préférera ainsi cibler une victime plus qu’une autre, voire, fuir un individu plutôt qu’un autre.

Un talent qui sort de l’ordinaire

Les aventuriers ne sont pas les seuls êtres de l’univers à posséder des dons ou des talents particuliers. Sans parler de termes de jeu ou d’éléments propres à un système de jeu (je ne suis pas en train d’évoquer Donjons & Dragons dans mon propos), il existe des capacités rudimentaires et totalement roleplay dont un monstre pourrait être doté, faisant de lui un être exceptionnel parmi les siens. Ou comment Alien gagne en ruse en étant enfanté par une combinaison génétique avec l’humain. Ou comment la capacité à ressentir les émotions fait d’un Dalek un être capable de se suicider de honte. Ou comment la sensibilité exceptionnelle d’un Cube Gélatineux le rend influençable à la musique, etc.

Si ça saigne, c’est que ça peut mourir

Cet adage barbare est la plupart du temps vrai et force l’intérêt des personnages-joueurs les plus aventureux pour l’assassinat de monstres en tant que métier. Toutefois, « si ça saigne, c’est que ça peut vivre » aussi. Ce que je veux dire par là est que le monstre en tant qu’être vivant est aussi capable d’avoir une existence sociale et est, comme toute créature, l’esclave de ses besoins et parfois de ses désirs. On passera sur l’envie de meurtre d’innocents faire-valoir qui n’est pas une obligation en tant que telle. En revanche, on peut parler de besoins nourriciers, naturels et sentimentaux. Si l’on confère au monstre une intelligence animale, on se doit de lui reconnaître son droit à la survie, à la reproduction (parfois avec recherche du plaisir) et au jeu. Autant d’éléments de sa vie sociale qui font de lui un animal à part entière et un monstre parfois peu banal, comme le prédateur jouant avec sa proie alors qu’il aurait pu la tuer depuis longtemps, ou celui qui va s’éloigner pour satisfaire son appétit immodéré pour les baies qu’il vient de croiser durant sa chasse. Il y a aussi les monstres qui, en fonction de leur rôle dans la cellule « familiale » peuvent avoir à défendre les leurs contre une intrusion. Le mode de vie du monstre est donc aussi directement responsable de certaines actions qu’il va mener.

L’intelligence supérieure

A l’instar de l’intelligence animale associée à une créature monstrueuse par nature, l’intelligence supérieure (on comprendra, au moins égale à celle du genre humain ou largement supérieure) peut aussi conduire à des comportements monstrueux. Il n’y a aucun rapport de proportionnalité entre l’intelligence, les émotions et la moralité. De fait, il n’existe sans doute rien de plus dangereux pour les êtres humains et consorts qu’un monstre hyper-intelligent, amoral et dénué de sentiments. La créature supérieurement intelligente a cette faculté à analyser et anticiper, à raisonner et à calculer qui fait défaut au monstre animal (rapidement prévisible une fois son profil connu) ou dénué de conscience (qui ne réagit qu’aux stimuli extérieurs et ce de façon mécanique). Le danger provient donc de sa capacité à piéger ses proies et à les éliminer en minimisant les risques pour elle. Elle a aussi cette faculté à fuir pour se ressourcer ou élaborer de nouveaux plans. Associé à la patience, le monstre hyper-intelligent est capable d’ourdir des complots complexes et de déstabiliser ses ennemis sans que l’on sache qu’il existe. En quelque sorte, tels sont les Grands Anciens dans Chtulhu.

N’expliquez rien

Quel que soit le conseil ci-dessus ou n’importe quelle autre idée que vous voudriez mettre en œuvre pour faire de votre monstre un cas à part, gardez à l’esprit que le mystère entourant son comportement est une part à lui seul de son intérêt. Que vous ayez ou non une explication à donner pour chaque choix que vous avez fait faire à votre créature, elles ne valent d’être révélées que si vos joueurs les découvrent par eux-mêmes. Il est en effet bien plus attrayant de voir ceux-ci tâtonner à la recherche d’une explication dont ils pourraient se servir pour le vaincre et d’échafauder des théories comportant une bonne part de risque sur le fait qu’ils aient tort plutôt que de leur livrer la clé de toutes les forces et faiblesses de vos monstres.

Restez cohérent

Adopter un tic, un trait ou un comportement évoqué ci-dessus ou un autre de votre invention vous condamne à plus ou moins court terme à savoir pourquoi vous l’avez fait et à respecter ce choix tant que la créature fait partie du jeu. Car dans l’hypothèse où vos joueurs façonnent un portrait plus ou moins correct de la créature en vue de s’en servir, trahir votre idée initiale pour faire en sorte que les personnages-joueurs ne tombent jamais juste dénote plus une volonté dirigiste (ce qui est un autre sujet) qu’une réelle envie d’incarner un monstre exceptionnel.

Conclusion

Les monstres décrits dans vos jeux vont rarement aussi loin pour parler des créatures qui hantent leur monde. Ce n’est le plus souvent pas nécessaire. Mais donner un caractère unique et exotique à l’une de ces bêtes est un bon moyen de créer de l’originalité dans le banal. Vous en avez assez de vos joueurs qui connaissent vos créatures sur le bout des doigts, les affrontant toujours de la même manière et sans surprise ? Surprenez-les et si cela ne suffit pas, soyez plus créatif et rendez-vous dans la seconde partie de cet article qui sera prochainement publiée.


Illustration : Greate Red Dragon par Keith Parkinson