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(COPIE) De l’intérêt et l’usage des calendriers dans les jeux de rôle

Temps de lecture : 14 minutes

Il est un sujet dont les joueurs se préoccupent peu, mais qui revêt une certaine importance dans un univers de jeu : les calendriers

The Aztec Sun Stone, also called the Aztec Calendar Stone, on display at the National Museum of Anthropology, Mexico City.

Il est un sujet dont les joueurs se préoccupent peu, mais qui revêt une certaine importance dans un univers de jeu. Le calendrier est un détail non négligeable qui joue un rôle prépondérant dans la vie d’un peuple et qui contient énormément d’informations utiles et structurantes pour ladite peuplade. Tout à la fois, reflet de l’environnement, rythme du temps qui passe, marqueur des événements récurrents comme les saisons ou le mouvements des astres, incarnation des actes mythiques qui ont forgé le monde, représentation de l’âge et des fêtes singulières de la communauté, socle de divers dictons, etc… Le calendrier est un incroyable fourre-tout riche de milliers d’interprétations pour qui sait s’en servir. On notera d’ailleurs que le document qui contient tout cela s’appelle un almanach et que le calendrier en tant que tel n’est que le simple découpage des jours de l’année. Dans ce qui suit, nous confondrons les deux notions, attendu que c’est l’ensemble qui nous intéresse vraiment. Voyons de quoi il en retourne.

Les calendriers de la Terre

Même si presque l’ensemble des peuples civilisés de la planète s’accorde sur la lecture d’un calendrier commun, il est vain de croire qu’il a été adopté et encore moins utilisé par tous. Notre calendrier grégorien n’a de commun avec l’ensemble des lectures qu’on peut en faire que le nombre de jours et le cycle des saisons. Les juifs, les chinois et tant d’autres cultures modernes et antiques disposent de leur propre calendrier pour lequel le seul et unique point commun de l’écoulement du temps est la journée. Si l’on se contente de regarder notre calendrier national français, il se distingue par les caractéristiques suivantes :

  • Scientifique : il est élaboré en fonction d’observations astronomiques, en l’occurrence la révolution de la Terre autour du Soleil prenant environ 365,25 jours. Cette fraction de jour est importante attendu que la révolution ne tombe pas juste, l’année est privée de cette fraction 3 années de suite et rattrapée par un jour supplémentaire dans le calendrier tous les 4 ans (je vous passe les détails sur le fait que ce quart de jour n’est pas tout à fait exact et que cela entraîne d’autres ajustements).
  • Lunaire : les phases lunaires qui ont servi de base à certains calendriers antiques figurent encore sur nos calendriers. L’influence du satellite de la Terre sur elle n’est plus à prouver. On lui doit le phénomène des marées entre autres. Tout le monde ne sait pas nécessairement à quelles positions relatives des astres ces phases correspondent, mais beaucoup accordent un « pouvoir » à la Lune et plus particulièrement la pleine Lune. Toujours est-il que ces phases lunaires ne sont pas synchrones du tout avec le calendrier, la pleine Lune se décalant de mois en mois jusqu’à survenir 2 fois par mois.
  • Saisonnière : le passage des saisons est représenté par 4 jalons fixes sur le calendrier. Ces 4 jalons correspondent aux événements astronomiques que sont les solstices (journée la plus courte en hiver et la plus longue en été) et les équinoxes (égalité de jour et de nuit au printemps et en automne).
  • Astrologique : une antique croyance veut que les constellations croisant chaque année à une période donnée (un mois) le plan de l’écliptique influencent le déroulement de la vie sur Terre. La rigueur scientifique tendrait à modifier la structure même de l’astrologie zodiacale, puisque les Signes Zodiacaux ne devraient pas être 12 mais 13. Par ailleurs, depuis les observations fondatrices, les constellations se sont déplacées par rapport aux dates officielles des signes. De fait l’astrologie n’a d’assise que sa croyance propre. Il n’en reste pas moins que l’on attribue un signe du Zodiaque à chaque naissance située dans une plage de dates annuelles précises, lesquelles, par groupe de trois, sont calées sur les équinoxes et les solstices.
  • Religieuse : le calendrier grégorien, comme son prédécesseur julien, a été conçu par l’église catholique romaine. Si chacune des journées d’une année est confiée à un saint, la profusion d’iceux dans l’histoire de la Chrétienté impose même d’en fêter plusieurs par jour.
  • Liturgique : au-delà des saints, se trouvent également référencés par la même église, les jours particuliers de fêtes religieuses dont notre calendrier est pourvu, à savoir Noël, les Pâques, la Pentecôte, l’Ascension, l’Assomption et la Toussaint. Autant de fêtes de l’église catholique qui figurent également comme jours fériés (le statut de la Pentecôte mis à part) dans le calendrier national français. A noter au passage qu’il ne s’agit, pour le commun, que de la partie émergée de l’iceberg, les catholiques observant un calendrier liturgique autrement plus riche en événements comme le premier jour de l’Avent, Mardi-Gras, l’Épiphanie, etc..
  • Nationale : au même titre que l’église catholique, la nation française célèbre également quelques-uns de ses événements marquants. Celui désigné sous le nom de Fête Nationale est marqué par un événement symbolique survenu en 1789. On y trouve aussi les Armistices des deux Guerres Mondiales du XXe siècle.
  • Internationale : de nombreux pays du monde considèrent certains jours de notre calendrier de la même façon qu’en France. Leur connotation internationale est plutôt récente au regard de l’Histoire, mais ils ne sont pas moins universel dans leur signification. Ainsi sont le Premier de l’An et le Premier Mai.

Quelles généralités en tirer ?

Au regard de ces observations, il n’est pas difficile de comprendre que la construction d’un calendrier est un fourre-tout sans nom. Il est toutefois bâti sur le principe d’observations des phénomènes, principalement les phénomènes récurrents, et les sociétés les plus primitives de notre Terre se sont rapidement accordées sur ces phénomènes. Au travers de l’observation des astres (Soleil, Lune, constellations, etc.) et des phénomènes terrestres (les saisons, la migration, la floraison, etc.), l’être humain a établi des mesures du temps qui passe.

Le calendrier, parti de ces observations, souvent lié à des croyances, est enrichi de symboles divers et variés imposés par la culture qui en fait l’usage. Sur Terre, ce sont le plus souvent les religions qui ont façonné la structure calendaire et les événements qu’on veut y représenter. En référence à des événements ou des légendes, les choses se sont construites petit à petit pour refléter la société que l’on connaît.

La principale règle qu’il faut en tirer est que rien n’est dû au hasard. L’année solaire ne fait pas 365,25 jours parce qu’on l’a décidé, mais parce qu’on l’a observé. Il n’y a pas 4 saisons parce qu’on le veut mais parce qu’on le vit. Noël ne tombe pas le 25 décembre parce que c’est fun mais parce que les chrétiens y voit la célébration d’un événement christique majeur. Les jours de la semaine ne se nomment pas ainsi parce que ça semblait approprié mais parce qu’ils évoquent des dieux helléniques. Raison quasi-identique pour les mois de l’année. Bref, il y a une explication pour chaque élément d’un calendrier.

On en déduit assez aisément que lorsqu’on s’attelle à la création d’un univers imaginaire, la création d’un calendrier est indissociable du monde et des peuples qui l’habitent. Voire même, chaque peuple a sa propre interprétation de la mesure du temps au travers des phénomènes qui animent le monde.

Les choses les plus évidentes qui ressortent de ce constat est qu’il faut s’accrocher aux évidences. Il est inutile de chercher la complexité, attendu qu’un peuple quel qu’il soit cherche au contraire à nommer et à schématiser ce qui l’entoure lui donnant l’illusion salvatrice du contrôle. Il faut donc, le plus simplement du monde en revenir aux sources :

  • La journée : le jour et la nuit ou toute autre forme de cycle récurrent court constitué de quelques heures (encore qu’il faudrait aussi expliquer cette notion là) sert de base initiale à l’activité des vivants. Les Humains n’étant pas nyctalope et ayant besoin de sommeil se sont naturellement calé sur le rythme du jour et de la nuit de la Terre pour alterner leur temps d’activité et de repos, respectivement. Sur d’autres mondes, cela sera peut-être différent, mais si un peuple vit dans un milieu qui est naturellement le sien, c’est qu’il y est adapté, et donc, qu’il gérera son activité en conséquence et mesurera l’écoulement de ces cycles en fonction de phénomènes observables évidents.
  • Les cycles long : les phases lunaires et l’année terrestre sont des cycles longs répétés observables. Les premiers sont même plus évidents que les seconds. Les premiers calendriers de la Terre sont plus souvent bâtis sur le cycle lunaire. Selon la durée et le rythme de vie d’une culture, les cycles longs seront additionnés pour former des unités plus importantes (comme les décennies, les siècles et les millénaires sur Terre qui n’ont de sens qu’au regard de l’Histoire et pour la compréhension générale des durées) ou divisées pour rythmer de façon plus notable la vie des communautés (la semaine ou la décade selon les cas). Inutile de préciser que certaines édifications calendaires sont finalement très arbitraires. Si les considérations « séculaires » nous viennent des Romains, nous aurions aussi bien pu considérer les années par poignées de 30 ou 42 si ça nous chantait. On peut raisonnablement supposer que la base mathématique de comptage (base 10 dans notre cas) joue ici un rôle indiscutable.
  • Le pouvoir des nombres : dans une culture donnée les nombres jouent un rôle prépondérant. Les mathématiques pouvaient être très développés chez nos ancêtres et ont inspiré bien des abstractions qui se cachent derrière notre architecture et notre calendrier. On ne devrait pas pouvoir séparer la richesse culturelle scientifique d’un peuple des réalisations où cette richesse s’incarne, le calendrier en étant le plus représentatif.
  • La mythologie : les mythes et légendes, voire la cosmogonie, établis et développés par un peuple sont le résultat d’observations de phénomènes dont la nature demeure hermétique à la compréhension. Préférant alors une explication mystique voire irrationnelle à pas d’explication du tout, les mythologies font alors partie intégrante de la croyance. Les croyances, qu’elles soient dieux, faits, lieux mystiques, formes de magie, etc. s’insinuent naturellement dans le calendrier. Elles peuvent le faire de façon légère, n’influençant que de leurs noms et leurs concepts le vocabulaire propre au calendrier, ou bien, de façon plus profonde, en étant la source même de la structure du calendrier ou de son fonctionnement.
  • L’environnement : les intempéries, la faune, la flore et la géographie, autrement dit, les constituant de l’environnement naturel, au-delà des phénomènes astronomiques, forment également une source inspirante pour le calendrier. Les saisons de la Terre existaient avant de se fixer dans l’année. Mais les limites des changements climatiques saisonniers sont fluctuantes et dépendent avant tout de facteurs extérieurs. Avant de trouver ainsi sa place entre un équinoxe et un solstice ou un solstice et un équinoxe, les saisons terrestres sont un constat. Les migrateurs, le changement de temps, de température, etc. sont des observations durablement récurrentes pour constituer une règle. Du reste, dès lors qu’une civilisation maîtrise l’agriculture, la chasse, la cueillette ou l’élevage, de telles observations font partie intégrante de la vie courante et qu’elles soient formelles ou non, partie intégrante d’un calendrier. On sait à quelles périodes il faut semer, auxquelles il faut récolter, ce qu’il faut éviter de chasser à certaines pour permettre la reproduction, etc..
  • L’Histoire : l’Histoire est aussi déterminante dans la constitution du calendrier que dans sa mise en application qui répond à des impératifs politiques, religieux, géographiques, agronomiques ou sociaux de toute nature. A l’instar des mythes, l’Histoire laissera sa trace dans le calendrier de différente manière, soit en le modifiant de façon drastique (le calendrier révolutionnaire français en est un exemple frappant), soit en l’illustrant d’événements marquants qui n’ont de sens que dans un système de datation dont il deviendra la référence.

De la construction imaginaire d’un calendrier

A présent que l’on sait un peu de quelle façon nous pouvons aborder la création d’un calendrier, voyons pourquoi et comment nous devrions la mettre en œuvre.

L’intérêt d’un calendrier imaginaire ?

En tant que tel, le calendrier d’un monde imaginaire n’a qu’une seule vertu. Celui de refléter la civilisation qui l’a conçu et qui a daté les événements de son Histoire dans ce système calendaire. Les notions de siècle et d’année 0 n’auraient pas le moindre sens pour nous si elles ne nous servaient de jalons arbitraires dans notre système de datation. Elles deviennent même indispensables à la compréhension de ce que nous disons lorsque nous évoquons des événements de notre histoire. Autrement dit, sans calendrier, sans repère, sans échelle de valeur, aucune mesure n’est possible, et aucune façon de retracer de façon fiable une histoire ne l’est.

A ce stade de la démonstration autant dire que le calendrier est la première des choses à mettre en place, avant même d’être en mesure de raconter une histoire. C’est la base narrative, l’échelle de mesure, la référence culturelle initiale, le point 0 de l’Histoire. Ce même si, souventes fois, le peuple que nous nous proposons de décrire ne s’intéresse pas tant que ça à la signification de ce que nous élaborons.

Par quoi commencer ?

Ça paraît peut-être évident, mais la première notion d’importance à mettre en avant c’est un moyen de mesurer l’âge. Nous sommes habitués depuis notre plus tendre enfance à considérer l’année comme une constante, y compris pour des êtres qui viendraient d’un autre monde. Savoir combien de temps ils peuvent vivre sera parfaitement compréhensible si nous parlons d’années. Mais supposons un instant que des êtres d’un niveau de développement intellectuel et culturel équivalent au nôtre aient vécu sur Mars dont le temps de révolution autour du soleil est 686,71 jours terrestres. La journée terrestre et la journée martienne sont comparables à 40 minutes près, ce qui revient à dire, très grossièrement, qu’une année martienne est un peu moins de 2 fois celle d’une années terrestre. Une civilisation qui se seraient développée sur place aurait donc très certainement considéré cette durée de révolution comme une « année » et un martien de 35 ans auraient alors été à la retraite (en supposant qu’ils vivent aussi longtemps que nous et que les martiens aient été assez stupides pour bâtir une société basée sur le même mode de vie que l’occidental moyen)

Cette expression de l’âge est déterminante dans la création d’une culture. Elle donne des indicateurs sur la maturité, la reproduction, donc sur le renouvellement générationnel, et la vieillesse. Ramener systématiquement ces informations sur la base de l’année terrestre est une bonne solution pour ne pas se perdre. Les équivalences terrestres seront toujours bien plus parlantes que les caractéristiques sociétales locales de votre peuplade imaginaire. Du reste, si je vous affirme que Garok Krumulsh est âgé de 7 Krilas et qu’il va bientôt mourir, vous ne savez forcément pas de quoi je parle, et même si l’on imagine que 7 Krilas est un état de vieillesse avancé pour le peuple de Garok, rien ne nous garantit que cela soit comparable à 90 ou 100 années terrestres.

Lorsqu’on a déterminé, pour une civilisation imaginaire, l’unité de référence de la mesure de l’âge, établir une chronologie précise devient possible. Les événements sont plus facile à situer les uns par rapports aux autres quand on élabore les rapports entre les personnes et entre les générations. Les successions, l’évolution des mœurs, l’évolution du langage, les interactions politiques et historiques, etc. sont interdépendants et alors mesurables sur l’axe du temps.

Le point zéro

Chaque événement significatif d’une chronologie est situé dans la trame historique par rapport à un point 0 que ce soit en amont ou en aval de ce point. La plupart des chronologies ne peuvent fonctionner sans ce point 0. Parfois, le point 0 est une décision d’ordre politique dans une civilisation dont les dirigeants souhaitent établir une nouvelle chronologie de référence. Parfois, il est établi a posteriori pour dater les événements dans une trame cohérente dans lequel le point 0 est un événement marquant ou que l’on veut rendre marquant, voire incontournable. Il serait sans doute plus improbable, quoique original, de situer un point 0 dans le futur et de compter à rebours. De mémoire d’historien, Caius Iulius Caesar lui-même n’a jamais eu conscience d’être né en 100 avant Jésus-Christ, et bien des gens avant et après lui sont nés en 0 en même temps qu’eux-mêmes… Le contexte est déterminant dans l’importance données aux dates et cela n’intéresse généralement que les plus érudits.

On peut raisonnablement douter de l’intérêt d’établir une chronologie pour établir un calendrier. Si l’on a défini l’unité de la mesure de l’âge, on dispose déjà des limites de notre almanach qui s’inscrivent dans cette unité et non au-delà. On peut effectivement se passer de raconter l’histoire d’un peuple pour dire de quoi son calendrier est fait… ou pas. Sur ce point tout est question d’impact historique sur le dit calendrier. Si certaines dates ont marqué de façon indélébiles les esprits et les livres, il est fort à parier qu’elles seront régulièrement évoquées et même fêtées, d’où l’intérêt de les connaître.

Les subdivisions

Vous disposez de votre « année », quels vont être vos « mois » ? C’est un peu la question qui se pose. Sur un cycle de longue durée l’expression directe d’un « nombre de jour » est très souvent inexploitable. En ce qui nous concerne de savoir que nous sommes le 234ième jour de l’année 2016 ne nous est guère utile. En revanche, nous comprenons immédiatement mieux quand nous parlons du 21 août 2016. Ces subdivisions mensuelles, malgré leur apparente irrégularité sont toutefois plus sensées que la notion de semaine qui subsistent depuis des siècles, sans harmonie aucune avec le passage des mois et des ans.

Tant qu’à faire de créer un calendrier de toute pièce, il vous appartient de décider si votre civilisation imaginaire aura été plus structurante dans son processus de mise en place de ces subdivisions. Si une société peut, à un moment donnée de son développement, imposer à sa population un calendrier aussi rigoureux que pratique, il y a fort à parier qu’elle y sera parvenue, générant ainsi des périodes régulières et stables, là où tout le bagage religieux et politique d’une vieille culture impose de conserver des reliquats arbitraires.

Le découpage de la « journée »

Si, d’une manière ou d’une autre, vous savez de quoi sont fait vos « années » et vos « mois », il ne reste qu’à déterminer de quoi sont fait vos « jours ». Dans une société suffisamment avancée pour mesurer précisément le passage du temps, l’on trouvera sans doute des notions équivalentes aux heures, minutes et secondes qui découpent nos journées. Autant de chaînes qui nous cloisonnent dans une vision ultra-régulière du temps alors même que la notion de jour et de nuit est bien plus fluctuante. Pour une civilisation plus primitive, seule compte la durée du jour et de la nuit. Qu’elle soit fixe ou fluctuante comme sur notre Terre n’a pas d’importance quand on ne sait pas vraiment la mesurer.

La position du Soleil dans le ciel donne une indication relativement fiable, pour qui a l’habitude, du temps qui passe lors d’une journée. En l’absence d’une vue directe sur l’astre du jour, l’intensité de la luminosité est un indice probant du moment de la journée, encore faut-il avoir pour cela assisté au début du cycle diurne et être resté conscient jusqu’au moment de la nouvelle évaluation. Evidemment, l’idéal est d’avoir à sa disposition un instrument de mesure directe (gnomon, cadran solaire, etc.) ou de mesure artificielle (sablier, clepsydre, horloge, montre etc.) du temps qui passe afin de savoir, à tout moment, où on en est. Cela suppose néanmoins qu’un phénomène (mouvements des astres ou autre) se produit durant le cycle afin d’avoir la perception du temps qui passe. La nature de celui-ci peut être très différent dans un univers imaginaire.

Généralement, une peuplade développe des notions et un vocabulaire spécifiques pour désigner les différents moment d’un cycle donné. Beaucoup de nos nuances sur les dits moments de la journée, les plus aisément repérables, ont ainsi traversés les âges. Si nous préférons échanger des horaires pour nous fixer des rendez-vous, il n’existe pas forcément de notion et de possibilités équivalentes dans nos cultures imaginaires. Tout dépendra du degré de développement scientifique.

Attention à la pratique

Avant d’entériner une structure qui vous semble tout à la fois originale, jolie et complexe, attardez-vous à la considérer sous l’angle du peuple qui vit avec depuis peut-être des siècles. Pourquoi faire cela ? La première raison est que le calendrier étant le reflet de son peuple en terme de mode de vie, au travers de considérations astronomiques, climatiques, religieuses, historiques, scientifiques et politiques, il faut pouvoir reconnaître en grande partie cette société dans son calendrier. La seconde raison, pour se poser une question : en vertu de quoi, une société évoluée ayant une bonne maîtrise de son environnement, aurait-elle fait des choix compliqués pour administrer son quotidien ?

Nos vies modernes sont rythmées par les semaines, les mois et les années. Cette habitude que nous avons et dont, a priori, nous aurions du mal à nous défaire, ne sont-elles pas compliquées par moment ? Si nous ne pouvons rien sur le fait que nos années font 365,25 jours, serait-ce plus compliqué que d’avoir 12 mois de 3 décades et d’un temps annuel de resynchronisation de 5 jours (6 tous les 4 ans) ? Si nous avions l’envie et les moyens de mettre en place un tel calendrier, pourquoi ne le ferions-nous pas ?

Ainsi, même si elle paraît saugrenue, cette idée est l’exemple d’une certaine simplicité. Les peuples imaginaires n’ont pas plus de volonté que nous de s’embarrasser de complications. Ce qui est simple fonctionnera mieux, sera moins sujet à caution et sera plus rapidement compréhensible. Sur ce point, l’intérêt de créer des mondes imaginaires qui n’ont pas des journées de 24 heures et des années d’environ 365 jours est limité. S’en affranchir a pour seul véritable attrait de créer l’originalité, d’aller plus loin dans la conception d’une culture imaginaire, de faire en sorte qu’elle soit mieux ancrée dans son environnement qui n’a aucune raison d’être un clone de la Terre, et d’offrir une expérience exotique et inhabituelle à un lecteur ou à un joueur. La possibilité d’utiliser un calendrier dans un univers imaginaire à un aspect immersif non négligeable outre le fait de constituer une aide de jeu peu fréquemment utilisée.

L’ésotérique, la symbolique et l’intention

Agrémenter un calendrier de notions ésotériques et symboliques n’est généralement pas gratuit. Si les signes du zodiaque, les saints de toute l’histoire de la chrétienté, les phases lunaires, les solstices et les équinoxes, les semaines, les jours fériés de toute sortes, etc. habillent notre calendrier, chargé d’une iconographie qui nous semble parfois moderne, parfois antique, ce n’est pas sans raison. Si des membres d’une civilisation peuvent ignorer la signification de certains symboles de leurs propres calendriers, aucun d’entre eux n’est apparu ni n’a été maintenu sans motif valable. Autrement dit, si vous élaborez une représentation visuelle chargée d’un almanach, assurez-vous de connaître le moindre des éléments visuel ou même textuel qui y figure, et, dans l’idéal, de savoir pourquoi.

Vous pouvez certes choisir de ne rien expliquer et vous contenter de faire quelque chose de joli et d’inspiré, voire d’artistique. En ce cas, comme pour la création d’une culture, vous vous dédouanez de toute intention. Si un détail purement anodin attise la curiosité d’un lecteur ou d’un joueur, vous n’aurez aucune réponse à lui donner. C’est un choix défendable. Il est dommage de consacrer du temps à la création d’une culture et laisser sans suite l’idée qu’elle se fait de son rapport au temps qui passe. Un rapport qui est pourtant des plus signifiants dans la compréhension d’un peuple.

En conclusion

Construire un calendrier peut s’avérer très amusant. Outre la dimension nouvelle qu’il offre pour comprendre une culture donnée, c’est un excellent support tant pour la conception que pour l’animation d’une partie de jeux de rôle. Dispensable mais pas anodin, le calendrier a un sens profond et une signification importante dans le monde que vous concevez. Si vous vous interrogez un tant soi peu sur l’environnement et le mode de vie d’un peuple, vous aurez de plus en plus de mal à vous en passer. Gardez cependant à l’esprit de rester simple. A moins de vouloir absolument plonger dans le bizarre et l’incompréhensible, l’élaboration d’un calendrier imaginaire doit apporter un réel soutien et non vous perdre et dénaturer la culture qui en est prétendument à l’origine.

Voyez dans cet article connexe de quelle façon j’ai pris nombre de ces éléments en compte dans la création d’un peuple volontairement articulé autour d’un calendrier imaginaire.


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